Rétro politique | RDC : Tshisekedi-Kagame, le grand désamour en 2022 !
Alors qu’ils s’appelaient « frères », les deux chefs d’Etat ont publiquement basculé dans le « je t’aime… moi non plus » en 2022. Digitalcongo.net revient sur ce désamour ponctué de piques entre les deux ex-frères mais aussi sur d’autres faits politiques marquant l’année.
Celui que Félix Tshisekedi qualifiait de partenaire « fiable et nécessaire », Paul Kagame a de nouveau ressuscité, d’après Kinshasa, les rebelles du M23, auteurs des massacres de la population congolaise, notamment dans les villages de Kishishe et Bambo, dans le territoire de Rutshuru, au Nord-Kivu. Le 13 juin, ces rebelles ont pris le contrôle de la cité de Bunagana, avant d’étendre leur influence, le 29 octobre, sur Rutshuru-centre, Rumangabo et d’autres localités de ce territoire ainsi que celui de Nyiragongo. Le soutien de Kigali à ces rebelles a détérioré les relations entre les deux chefs d’Etat. Félix Tshisekedi a, dans tous les fora, notamment du haut de la tribune de l’Assemblée générale des Nations Unies, accusé le Rwanda d’apporter un soutien « massif en matériels de guerre et en hommes de troupes » à ces rebelles.
Fin novembre, le président rwandais Paul Kagame a, à son tour, accusé son homologue de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, d’exploiter une crise violente dans l’Est de son pays pour retarder les élections. Le maitre de Kigali s’est aussi permis de critiquer la dernière élection du président congolais qu’il a accusé de ne l’avoir pas remportée et de tenter de trouver des excuses pour reporter les échéances électorales de 2023. Il a même ironisé sur l’option de guerre que Kinshasa envisagerait en cas d’échec diplomatique. « J’entendais quelqu’un […] dire, je n’exclus pas une guerre avec le Rwanda. Si vous cherchez quelqu’un qui s’y connaît en guerre, venez me voir, s’il vous plaît », avait persiflé Kagame.
Du côté congolais, le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, ne s’était pas fait prier pour répliquer au président rwandais. Dans une série de questions rhétoriques lors d’un briefing hebdomadaire à Kinshasa, ce membre de l’exécutif congolais avait démontré que Paul Kagame n’avait pas « qualité » pour parler de la démocratie et que sur cette liste, le dictateur rwandais est « mondialement » le dernier. Une leçon de démocratie de Kigali qui a fait rire en RDC. Un journal de Kinshasa s’est même permis de titrer : « un expert des élections nous est né » à Kigali.
Pendant que d’aucuns pensaient que la charge déversée par Muyaya sur le président rwandais était suffisante, Félix Tshisekedi, lui-même, est revenu ajouter une nouvelle dose le 3 décembre devant 250 jeunes venus des 26 provinces du pays réunis à la Cité de l’Union africaine. Il a appelé les Congolais à faire la différence entre le peuple rwandais et le régime de Paul Kagame. « Ils [Rwandais et Rwandaises] ont besoin de notre aide pour se libérer. Cela n’a rien à voir avec ce que leurs dirigeants sont en train de leur imposer. Donc, ne les regardez pas comme des ennemis, mais comme des frères qui ont besoin de notre solidarité pour nous débarrasser et débarrasser l’Afrique de ce genre des dirigeants rétrogrades. C’est le régime rwandais, avec Paul Kagame à sa tête, qui est l’ennemi de la République démocratique du Congo. », avait-il déclaré.
Plus d’intégration des rebelles dans l’armée
L’Assemblée nationale de la RDC a, au cours de sa plénière du 8 novembre 2022, rendu public la recommandation portant interdiction d’intégrer, de mixer et de brasser des éléments des groupes armés terroristes et autres au sein des services de l’armée, de la police et des services de sécurité. « Considérant l’agression imposée à la RDC par l’armée rwandaise sous le label du groupe terroriste M23, l’Assemblée nationale interdit au gouvernement de la République de procéder à l’intégration, au mixage, au brassage et ou à toute négociation tendant à intégrer au sein des FARDC, de la police et toute autres services de sécurité, des éléments issus des groupes armés, qui se sont livrés à l’exploitation illicite des ressources naturelles de la RDC, Ils se sont rendus coupable des violations massives des droits de l’homme au préjudice des populations congolaises », a martelé Joseph Lembi, rapporteur du bureau de l’Assemblée nationale.
5 février, François Beya arrêté !*
En politique, la RDC avait débuté 2022 comme une année anodine. Mais au mois de février, une nouvelle a tout changé. François Beya, le puissant conseiller spécial du chef de l’État, Félix Tshiskedi, en matière de sécurité est arrêté le 5 février puis détenu dans un local de l’Agence Nationale des Renseignements (ANR). Le 8 février, la présidence de la République a publié un communiqué évoquant des « agissements contre la sécurité nationale », sans donner plus de détails et appelant au passage la population à la vigilance et au calme. En liberté provisoire depuis le 16 août, François Beya, jugé entre autres pour « complot » contre le président Félix Tshisekedi, s’est envolé pour la capitale française, Paris, où il doit se faire soigner avant de poursuivre son procès à Kinshasa devant la Haute cour militaire qui le juge avec trois colonels de l’armée congolaise et de la police aux côtés de son assistant au Conseil national de sécurité (CNS) qu’il dirigeait avant sa disgrâce.
À la Cour constitutionnelle, Kaluba éjecté !
Le 10 mai, un tirage au sort à la Cour constitutionnelle fait éjecter le juge-président de cette institution, Dieudonné Kaluba Dibwa. Les membres du bureau du Président déchu de la Cour constitutionnelle avaient crié à une « mascarade ». Du côté de la Haute Cour, l’on avait évoqué un tirage au sort qui est intervenu « conformément » aux dispositions des articles 158 alinéa 4 de la Constitution et 6 alinéa 2 de la loi organique du 15 octobre 2013. Le juge Dieudonné Kaluba Dibwa sera remplacé plus tard – le 21 juin 2022 – par le juge Dieudonné Kamuleta Badibanga, élu par ses pairs à l’issue d’une assemblée plénière élective.
Dossier politico-judiciaire
L’année 2022 a aussi vu l’ex-chef du parti présidentiel, Jean-Marc Kabund, récemment passé à l’opposition, être arrêté en août dernier. Il a été transféré à la prison centrale de Makala. Kabund est poursuivi pour outrage au chef de l’Etat. Député et ancien vice-président de l’Assemblée nationale, Jean-Marc Kabund a d’abord été placé sous mandat d’arrêt provisoire, après un interrogatoire au parquet près la Cour de cassation.
Selon le réquisitoire du parquet, Kabund est poursuivi pour « outrage au chef de l’État, imputations dommageables et diffamation ». Elu de Kinshasa, Jean-Marc Kabund, est passé à l’opposition en juillet dernier après avoir été radié du parti présidentiel, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), et avoir démissionné de son poste de 1er vice-président de l’Assemblée nationale. Jusqu’à ce jour, il est toujours incarcéré à la prison de Makala.
Un autre dossier politico-judiciaire qui a secoué 2022, c’est celui de Vidiye Tshimanga, l’ex-Conseiller stratégique du président Félix Tshisekedi. Cet ancien conseiller du président de la République a été placé sous mandat d’arrêt provisoire, le 21 septembre, et conduit à la prison centrale de Makala. Il a été libéré quelques jours plus tard. Son procès avait continué jusqu’à son acquittement par le tribunal de paix de Kinshasa-Gombe.
Vidiye Tshimanga était en effet au cœur d’un scandale le mêlant à une tentative de trafic d’influence auprès de supposés investisseurs dans les mines congolaises. Il avait démissionné de son poste le 16 septembre, à la suite d’une série de vidéos devenues virales sur les réseaux sociaux, où il s’entretenait avec ces supposés investisseurs. Ces derniers l’ont filmé à son insu. Et dans une vidéo publiée par le média suisse ”Le Temps”, on l’avait montré en train de promettre à ses interlocuteurs la sécurité, leur demandant en contrepartie une commission de 20% sur les futures opérations d’investissement.
Katumbi quitte Tshisekedi…
Le 16 décembre, l’ancien gouverneur de l’ex-Katanga a annoncé officiellement son départ de l’Union sacrée de la Nation, plateforme initiée par le président de la République, Tshisekedi, après son divorce d’avec le Front commun pour le Congo (FCC) de l’ex-président de la République, Joseph Kabila. Le retrait de Moise Katumbi de la plateforme présidentielle a entrainé le départ, du gouvernement de coalition, de quelques ministres de son parti « Ensemble pour la République ». Il s’agit du ministre d’Etat au Plan, Christian Mwando Nsimba, du ministre des Transports et Voies de communication, Chérubin Okende ainsi que de la vice-ministre de la santé, Véronique Kilumba Nkulu. Certaines démissions ont suivi également au sein du gouvernement provincial du Haut-Katanga. Katumbi s’est aussi porté candidat à la présidentielle de décembre 2023, une candidature entérinée par le congrès de son parti tenu à Lubumbashi.
Levée de l’« embargo » contre la RDC…
Le 20 décembre 2022, une grande nouvelle est tombée au Conseil de sécurité des Nations Unies. La résolution 2667, votée à l’unanimité le 20 décembre, a retiré la mention qui exigeait précédemment que les pays fournisseurs d’armes informent le Conseil de sécurité et ses 15 membres de toute vente d’armes ou d’aide militaire à la République démocratique du Congo. Cette décision est bien accueillie par l’Etat congolais qui déplorait depuis longtemps cette exigence, estimant qu’elle créait un obstacle bureaucratique dans sa lutte contre des groupes armés. Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement, avait fait savoir, dans un communiqué, que c’est une « injustice réparée » par le Conseil de sécurité.
Près de vingt ans après son entrée en vigueur, le Conseil de sécurité des Nations Unies a décidé d’assouplir l’embargo sur l’exportation d’armes vers la République démocratique du Congo. Depuis 2003, les livraisons d’armes à la RDC devaient être approuvées par l’ONU. Les Nations unies ont toujours justifié cette décision par la limitation du trafic d’armes qui, selon elles, pouvaient tomber aux mains des groupes armés. Pourtant, le M23 a été suréquipé militairement malgré cette mesure censée empêcher aux groupes armés de se procurer en armes. Au sujet de cette mesure de notification, Kinshasa dénonçait toujours un « embargo déguisé » qui l’empêchait d’équiper son armée.